11 Juillet 2014

Vie et transformation d'une comète

Des milliards d’années de patience, puis une mort rapide, voilà la vie des comètes ! Une fois décroché du nuage d’Oort, où il somnolait depuis l’origine du Système solaire, un noyau cométaire plonge vers le Soleil et disparaît très rapidement. Cela vous semble exagéré ? Voici les chiffres : plus de 4 milliards d’années à - 200 °C dans le congélateur du nuage d’Oort, près de 4 millions d’années pour migrer peu à peu jusqu’à la porte des mondes planétaires, à moins de 10 milliards de kilomètres du Soleil, et, au mieux, quelques milliers d’années pour disperser sa matière entre les planètes et se désintégrer. Rapportez cela à une vie humaine de 85 ans, vous trouverez qu’il faut alors moins d’un mois à la comète pour s’approcher du Soleil et moins de 45 minutes pour se transformer et disparaître en dilapidant ses biens. Et il s’agit là des comètes périodiques ; pour celles qui plongent directement dans le Soleil depuis les confins du système, la dernière phase ne dure que le temps d’une respiration.

Une croûte isolante

Lorsqu’il s’approche du Soleil pour la première fois, un noyau cométaire commence à relâcher certains des éléments volatils qui l’enveloppent, comme le monoxyde et le dioxyde de carbone, bien avant que la glace d’eau ne se sublime.

Cette libération se fait en douceur et il est probable que seules les plus infimes poussières de silicates sont alors entraînées dans l’espace. Les autres restent au sol et se tassent progressivement pour combler les vides créés.

On peut alors imaginer qu’il se forme ainsi une sorte de croûte tout autour du noyau, mais on ne sait pas si elle mesure quelques centimètres ou quelques mètres d’épaisseur. Si la comète est périodique, la croûte épaissit à chaque passage et devient de plus en plus isolante thermiquement.

Il faut noter également que la croûte est très sombre, aussi noire que du charbon ; elle ne réfléchit que quelques pourcents de la lumière solaire.

De l'eau sous la croûte

Lancée le 12 janvier 2005, la sonde américaine Deep Impact a croisé la comète 9P Tempel le 4 juillet 2005. La veille, la sonde avait propulsé vers le noyau une masse d’aluminium et de cuivre de 370 kilogrammes qui s’est écrasée dessus à la vitesse de 10 kilomètres par seconde.

Cela n’a pas déstabilisé la comète : l’énergie de l’impact était comparable à celle d’un moustique heurtant le pare-brise d’un 747, mais la quantité de matériaux expulsés a été impressionnante et les scientifiques estiment qu’un cratère de 150 mètres de diamètre a été créé.

Près de 5 000 tonnes d’eau et 10 000 à 25 000 tonnes de grains de silicates extrêmement petits ont été libérées. Cela confirmerait l’existence d’une couche de surface très poreuse avec une texture semblable à du talc plutôt qu’à une plage de sable fin.

La frontière de glace

Une fois que la comète franchit la frontière de glace, c’est-à-dire la distance à partir de laquelle l’énergie solaire devient suffisante pour que la glace d’eau se sublime en abondance, l’activité du noyau évolue considérablement.

Sur l’illustration voisine, cette frontière est symbolisée par le passage du vert au blanc-bleu. Dans le Système solaire, on estime qu’elle se situe entre 2,5 et 3 ua du Soleil, soit entre 325 et 450 millions de kilomètres.

L'érosion des comètes

À chaque passage à proximité du Soleil, la célèbre comète 2P Encke perdrait 10 millions de tonnes de sa matière. Comme sa masse est estimée à 10 000 millions de tonnes, un rapide calcul montre que cette comète disparaîtra dans quelques centaines de passages.

On estime que les comètes à courte période auraient une espérance de vie de moins de 3 000 ans. Les comètes à plus longues périodes vivent plus longtemps, mais la période d’une comète n’est pas gravée dans le marbre, car les interactions gravitationnelles avec les planètes, notamment avec Jupiter, peuvent la modifier considérablement.

Jets et projections

Selon l’épaisseur et la porosité de la gangue de poussières qui enserre le noyau lorsqu’il atteint la frontière de glace, la vapeur d’eau qui va commencer à se sublimer va réussir à diffuser au travers paisiblement ou non.

Dans le premier cas, l’émission de gaz n’emporte pas beaucoup de poussières avec elle, ce que l’observation de la queue permet de révéler.

Dans le second cas de figure imaginé par les astronomes, la croûte est suffisamment épaisse pour résister. Il se crée des poches de gaz dans lesquelles la pression peut augmenter à un point tel que la croûte se brise. Alors, comme lorsque l’on enlève brusquement le sifflet d’une marmite à pression et qu’un puissant jet de vapeur disperse avec lui des gouttes et des fragments du contenu, de violents jets projettent dans l’espace de grandes quantités de poussières ainsi que des blocs de glace qui s’éparpillent autour du noyau.

Les jets de gaz avaient déjà été photographiés autour du noyau de plusieurs comètes mais, le 4 novembre 2010, la sonde EPOXI a mis en évidence les blocs de glace et les agrégats de poussières arrachés au noyau de la comète 103P Hartley. La densité de poussières et de vapeur autour du noyau est telle qu’il est même possible de voir l’ombre du noyau se projeter dessus.