25 Novembre 2015

Nouvelles tentatives de contact avec Philae

Après une escapade de quelques semaines jusqu’à plus d’un millier de km du noyau, l’orbiteur de Rosetta est de retour à moins de 200 km d’altitude et les tentatives de contact avec l’atterrisseur Philae reprennent.

Une véritable course contre la montre

Au plus près du Soleil le 13 août dernier, la comète 67P s’éloigne à présent du Soleil et son activité commence à décliner ce qui devrait permettre de rapprocher l’orbiteur à une centaine de km du noyau, voire moins, durant les prochaines semaines sans que ses senseurs stellaires ne soient perturbés par les poussières. Les responsables de la mission ne feront bien sûr courir aucun risque à l’orbiteur, mais le but est bien de tenter de reprendre contact avec Philae et, pour cela, plus l’orbiteur sera proche, plus les tentatives auront de chances d’être couronnées de succès.

Mais il s’agit d’une véritable course contre la montre car, plus les semaines passent, plus l'énergie solaire disponible diminue. Il serait formidable de simplement reprendre contact avec le fidèle Philae, de savoir qu’il a résisté au froid intense qui règne sur le noyau, mais il serait bien plus satisfaisant de parvenir à relancer quelques-uns de ses instruments et d’obtenir des observations complémentaires en provenance de la surface. Pour cela, il faut que Philae dispose de suffisamment de puissance électrique et plus le Soleil s’éloigne, plus les conditions deviennent délicates.

dernier contact au début du mois de juillet

L’augmentation de l‘activité du noyau avait alors contraint les responsables de la navigation à éloigner l’orbiteur, mettant ainsi fin aux communications. À l’époque, en faisant la symétrie avec la période durant laquelle les contacts avaient été possibles avant le périhélie, on pouvait penser qu’il serait difficile de reprendre contact avec Philae après le mois de novembre, mais il semble à présent que les tentatives de contacts puissent se prolonger jusqu’au mois de février ?



Représentation de Philae actuellement à la surface du noyau de la comète 67P. Crédits : CNES/D. Ducros.

Philippe Gaudon, chef de projet rosetta au CNES

"Nos collègues du LCC, qui ont refait des calculs à partir des températures jour/nuit de la comète et de l’orientation du Soleil sur les différentes faces de Philae que nous leur donnons, estiment à présent qu’il pourrait y avoir assez d’énergie pour que Philae vive jusqu’à fin février. Mais il y a une différence entre survivre et communiquer efficacement et, pour ma part, je considère que penser que nous pourrons communiquer avec Philae jusqu’à la fin février est extrêmement optimiste."

Les inconnues sont nombreuses, telles que les vraies ombres portées sur les panneaux solaires, la quantité de poussières déposées, la bonne mise en route des antennes, etc.

À quelle distance se situe actuellement l’orbiteur ?

PG : Entre le 9 et le 15 novembre, l’orbiteur était entre 200 et 160 km de distance du noyau, c’est-à-dire à des distances comparables à celles qui avaient permis les derniers contacts en juin-juillet. La meilleure communication, celle de juillet, a été obtenue à une distance d’environ 155 km.

Est-ce que l’orientation de la trajectoire actuelle de l’orbiteur est bonne par rapport à la position de Philae et à l’orientation de son antenne ?

PG : Oui, les latitudes de l’orbiteur sont correctes même si le plan de l’orbite n’est pas le même qu’en juillet.

Quel est le programme pour les semaines à venir ? Est-ce que l’orbiteur va continuer son rapprochement ?

PG : Tant qu’il n’y a pas de problèmes avec les senseurs stellaires, le rapprochement doit continuer. Si tout se passe bien, nous devrions être vers 110 km à partir du 27 novembre. L’orbiteur va aussi se rapprocher du plan du terminateur (perpendiculaire à la direction Soleil-comète), qui est le plan d’orbite dans lequel il était en juin et juillet.

À une telle distance, les contacts devraient donc être possibles ?

PG : Lorsque l’orbiteur est entre 200 et 150 km, nous savons que nous ne pouvons pas avoir de très bonnes conditions ; la plupart du temps, la puissance reçue par les antennes est limite, les contacts sont extrêmement hachés, et il suffit de peu pour qu’ils ne puissent pas avoir lieu. Entre 150 et 100 km, en revanche, la puissance reçue par les antennes sera très supérieure et si nous n’avons pas de contact ce sera probablement parce que Philae rencontre un problème de fonctionnement. Dans ces conditions, je serai très pessimiste pour la suite.

Philippe Gaudon. Crédits : CNES.

Quels types de mauvais fonctionnements seraient à craindre ?

PG : Nous avons beaucoup travaillé cet été sur les pannes possibles, notamment en étudiant les contacts établis avant le périhélie. À 155 km, nous avons eu une communication inattendue d’une durée de 12 min. Comme nous ne nous y attendions pas, nous n’avions pas pu programmer d’activités scientifiques, mais nous avions envoyé tout de même quelques télécommandes. Les données récupérées montrent que, avant le contact, il a fallu près de 10 min pour que les transmetteurs de Philae établissent la liaison avec l’orbiteur. Je rappelle qu’il y a 2 transmetteurs à bord et que le logiciel de vol fait un essai avec le 1er durant 3 min ; si la communication n’est pas établie, le logiciel bascule sur l’autre pour une nouvelle tentative et ainsi de suite. Ce processus a pris une dizaine de minutes en juillet alors que l’année dernière, durant la séquence scientifique initiale, la liaison était établie en moins de 3 min. De plus, en étudiant le bilan de liaison entre Philae et l’orbiteur, nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas très bon, ce qui provient probablement du fait que la majeure partie du signal émis par Philae est réfléchie par la surface de la comète à cause de sa position inclinée à plus de 90°.

Cela fait comme un écho qui dégrade l’ensemble de la transmission.

Pourquoi ce problème n’était-il pas sensible en novembre 2014 ?

PG : Cette dégradation varie en fonction de l’inverse du carré de la distance de l’orbiteur. Donc, lorsque celui-ci est proche (près de 30 km durant l’activité de Philae en novembre 2014), elle n’est pas gênante, mais dès qu’il s’éloigne, elle devient de plus en plus perturbatrice ; d’où l’importance que nous accordons à la diminution de l’altitude de l’orbiteur.

Comment se déroule la surveillance des tentatives de contacts au SONC ?

PG : Nous avons toujours un logiciel de surveillance qui peut donner l’alerte et des personnes en astreinte pour les week-ends et les nuits pour relayer cette alerte. Durant les jours ouvrés, les personnes qui travaillent sur la mission Rosetta collaborent également à d’autres missions en cours ou en préparation, comme Gaïa, Curiosity ou InSight, mais tout le monde est prêt à réagir à la moindre alerte et à basculer à plein temps sur Philae s’il se réveille.

Si des contacts se produisent durant les prochaines semaines, quelles activités scientifiques pourriez-vous tenter de réaliser ?

PG : Si les contacts se produisent lorsque l’orbiteur est à une centaine de km d’altitude, nous estimons qu’ils pourraient durer jusqu’à 30 min. Nous avons donc préparé des petites séries d’activités scientifiques qui pourraient se faire sur le temps de communication. Notre 1ere action serait de refaire un "mode Safe" qui permet de faire faire une simple mesure à 5 instruments. La 2e serait de regarder avec le microscope de CIVA si de la poussière ne se serait pas introduite au fil des derniers mois à l’intérieur des fours suite à l’activité du noyau. Si c’est le cas, nous ferions alors fonctionner ces fours avec les instruments PTOLEMY et COSAC pour identifier les composés cométaires volatils présents. Dans un 3e temps, nous ferions refonctionner les caméras de ROLIS et de CIVA pour voir si la surface autour de Philae a changé depuis novembre 2014. Enfin, nous tenterions un forage après avoir tourné la plate-forme pour mettre le foret à bonne distance du sol.



Philippe Gaudon. Crédits : CNES.