une intensité émotionnelle proche de celle de l’atterrissage
Éric Jurado, vous êtes responsable des activités de mécanique spatiale au SONC et vous avez largement contribué ces derniers mois à la recherche de Philae sur le noyau de 67P/Churyumov-Gerasimenko.
Comment avez-vous vécu cette reprise de contact ?
Éric Jurado : « Pour moi, et pour toute l’équipe de mécanique spatiale, c’est vraiment énorme ! Pour être honnête, même si nous étions relativement optimistes, nous voyions le temps passer avec une anxiété croissante, surtout avec l’éloignement de l’orbiteur qui rendait les communications éventuelles plus délicates. Et puis voilà que Philae reprend contact et qu’il semble fonctionner correctement, alors nous sommes vraiment heureux et impressionnés. Pour nous, ces moments ont une intensité émotionnelle proche de celle de l’atterrissage. Cette mission est vraiment extraordinaire ! »
Cette mission est vraiment extraordinaire !
Après ces moments de joie, qu’avez-vous pu tirer des données reçues ?
Éric Jurado : « Nous avons commencé par vérifier que ce que nous avions calculé ces derniers mois sur l’orientation et la position de Philae était cohérent avec le contenu des 1ers paquets de données. Je précise tout de suite que rien ne semble remettre fondamentalement en cause notre travail : en plaisantant, je dirais que Philae n’est pas de l’autre côté de la comète ! Nous avons pu faire une première estimation de son orientation grâce au courant reçu sur les panneaux solaires et cela semble également confirmer l’attitude déterminée grâce aux données de l’instrument ROMAP. Il y a également un certain nombre de données reçues que nous ne pouvons pas exploiter pour déterminer l’orientation car nous ne savons pas les dater avec précision. »
Améliorer les contacts en Rosetta et Philae
Pourquoi ne savons-nous pas encore dater ces données ?
Éric Jurado : « Philae est paramétré pour incrémenter un compteur chaque fois qu’il démarre, donc, normalement, à chaque rotation du noyau, à chaque jour local. Du coup, les données sont datées en temps relatif. Nous ne connaissons pas la date du 1er démarrage de Philae, mais tout semble indiquer qu’il a redémarré un nombre certain de fois avant de parvenir à entrer en contact avec l’orbiteur. De plus, nous ne savons pas si chaque incrément du compteur correspond à un jour cométaire ou si Philae s’est éteint et rallumé plusieurs fois par jour local. On peut imaginer une situation où Philae s’allume et tente de communiquer ce qui lui prend toute sa puissance électrique, du coup il s’éteint et redémarre un peu plus tard dans la même journée cométaire. Ce n’est qu’une hypothèse et pour le moment nous ignorons le déroulement exact de la séquence qui s’est écoulée entre le réveil initial et le 1er contact. Cependant, d’après les estimations de nos collègues allemands, le 1er réveil pourrait dater du début du mois de mai. »
le 1er réveil pourrait dater du début du mois de mai
optimiser les communications avec Philae
Quelle est votre priorité à présent ?
Éric Jurado : « Notre priorité est l’amélioration des contacts entre Rosetta et Philae. Pour cela, nous calculons des trajectoires et nous échangeons intensément avec nos collègues de l’ESOC qui peuvent modifier la trajectoire de l’orbiteur pour qu’il se positionne le mieux possible en vue d’optimiser les communications avec Philae. Nous leur avons notamment demandé de rapprocher le plus possible Rosetta du noyau, tout en restant bien sûr dans les limites de sécurité. Dans un 1er temps, l’orbiteur est redescendu à près de 180 km de distance vendredi 19 juin, mais il devrait progressivement être possible de faire mieux et d’augmenter la durée des liaisons entre les 2 engins. Pour nous, c’est vraiment encourageant de voir que Philae semble bien se comporter et que le contact a été établi à plusieurs reprises entre le vendredi 19 et le dimanche 21 juin. Nous sommes donc confiants et nous allons continuer à calculer les meilleures périodes de contacts et fournir cela à nos collègues pour pouvoir commencer à préparer la suite, la mise en configuration de l’atterrisseur et la reprise des opérations scientifiques. »
Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ere mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.