8 Octobre 2015

Le cycle de la glace d’eau sur la comète "Tchouri"

A partir des données fournies par la sonde Rosetta de l’ESA sur la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, des chercheurs apportent la première preuve observationnelle de l’existence d’un cycle quotidien de la glace d’eau à la surface de la comète.

Parvenue à destination en août 2014, Rosetta étudie de près, depuis plus d’un an, la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, surveillant la façon dont son activité augmente régulièrement au cours des mois. La comète a atteint le périhélie, le point le plus proche du Soleil sur son orbite de 6 ans et demi, le 13 août 2015, et s’éloigne maintenant vers l’extérieur du Système solaire.

Une des questions étudiée par les spécialistes des comètes concerne les processus physiques qui alimentent l’activité de dégazage. L’idée est de comprendre comment la glace d’eau est extraite du sol pour approvisionner la coma en vapeur d’eau.

Selon une étude présentée dans la revue Nature, une équipe scientifique a observé la glace d’eau apparaître et disparaître quotidiennement sur une région de la comète. Ces observations ont été fournies par l’instrument VIRTIS, le spectromètre imageur visible, infrarouge et thermique de Rosetta, en septembre 2014 lorsque la comète se trouvait à environ 500 millions de kilomètres du Soleil. L’équipe a étudié un ensemble de données de VIRTIS centrées sur Hapi, une région située sur le « cou » de la comète qui durant cette période était l’un des endroits les plus actifs du noyau.

Rosetta

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En haut à gauche : Comète 67P/Churyumov–Gerasimenko à partir de 4 images prises par la caméra de navigation le 2 septembre 2014 En bas à gauche : La région HAPI, dans le « cou » de la comète, telle qu’observée par l’instrument VIRTIS, spectro-imageur visible, infrarouge et thermique de Rosetta en septembre 2014. À gauche, image de la surface de la comète prise en visible. Au centre, cartographie de l’abondance de la glace. À droite, cartographie de la température de surface. À droite : Le cycle de la glace d’eau tel qu’observé par l’instrument VIRTIS de Rosetta dans la région Hapi de la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, en septembre 2014. Crédits : ESA/Rosetta/VIRTIS/INAF-IAPS/OBSERVATOIRE DE PARIS-LESIA/DLR ; M.C. De Sanctis et al (2015)

Ce résultat, fruit d’une collaboration internationale, implique la participation de six chercheurs français, issus du LESIA (Laboratoire d'Etudes Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique) et de l'iPAG (Institut de Planétologie et d’astrophysique de Grenoble). Le LESIA a fourni le canal à haute résolution de VIRTIS et est responsable des observations de cet instrument.

Quand la lumière du Soleil chauffe le noyau gelé d’une comète, la glace d'eau contrenue dans le sol sublime. La vapeur d'eau qui en résulte s'échappe de la surface, emportant avec elle des poussières solides : ensemble, ce mélange de gaz et de poussières approvisionne la coma et la queue brillante qui rendent observables les comètes depuis la Terre.Au cours de la journée, qui dure en un peu plus de 12 heures, les différentes régions subissent des conditions d’éclairage variées.

Les données suggèrent que durant le jour, la glace d’eau sublime dans les premiers centimètres du sol, se transformant en gaz et migrant vers la surface. A la tombée de la nuit, la surface refroidit très rapidement ; les couches plus profondes, qui ont accumulé la chaleur solaire, refroidissent plus lentement et restent plus chaudes.

La glace d’eau à quelques centimètres sous la surface continue donc de sublimer et de migrer vers la surface à travers le sol poreux. Dès que cette vapeur d’eau « souterraine » atteint la surface froide, elle gèle à nouveau, créant ainsi une pellicule de glace fraîche sur cette région.

Lorsque le Soleil se lève à nouveau sur cette région, les molécules dans la couche de glace nouvellement formée subliment immédiatement, et le cycle reprend.

« Nous avions soupçonné qu’un tel cycle de la glace d’eau pouvait exister dans les comètes, sur la base de modèles théoriques et d’observations antérieures d’autres comètes, mais maintenant, grâce à la surveillance continue par Rosetta de 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, nous disposons enfin d’une preuve observationnelle », précise Fabrizio Capaccioni, responsable scientifique de VIRTIS à l’INAF-IAPS à Rome, Italie.

À partir de ces données, il est possible d’estimer l’abondance relative de la glace d’eau par rapport à d’autres matériaux dans les premiers centimètres de la surface. Sur la portion sondée de la surface, la quantité de glace d’eau représente jusqu’à 10 ou 15% en masse, et elle est intimement mélangée avec les autres composants du sol (poussière organiques, minéraux, etc).

« Il est possible que de nombreuses régions à la surface connaissent ce cycle, fournissant ainsi une contribution au dégazage global de la comète, mais d’autres mécanismes peuvent également contribuer à l’activité » ajoute Capaccioni.

Les scientifiques s’occupent actuellement de l’analyse des données recueillies lors des mois suivants, pendant lesquels l’activité de la comète a augmenté alors qu’elle s'approchait du Soleil.

« Rosetta a la capacité essentielle de suivre les modifications de la comète sur des échelles de temps courtes ou longues, et nous avons hâte de pouvoir combiner toutes ces informations pour comprendre l’évolution de cette comète et des comètes en général » conclut Matt Taylor, responsable scientifique de la mission Rosetta de l’ESA.

Référence de l'article

Maria Cristina de Sanctis, et al., (2015), The diurnal cycle of water ice on cometary nuclei, Nature, 525, 500–503.

Contacts

  • Responsable scientifique : Stéphane Erard, responsable français de l’instrument VIRTIS
  • Responsable de la thématique système solaire : Francis Rocard