5 Novembre 2020

Empreinte de Philae dans de la glace primitive

Après des années d’investigation, des chercheurs et ingénieurs ont identifié le 2e site d’atterrissage de Philae sur la comète « Tchouri » révélant de la glace d’eau vieille de 4,5 milliards d’années et une consistance cométaire plus légère que « la mousse d’un cappuccino ». Ces résultats sont publiés le 28 octobre 2020 dans la revue Nature.
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Crédits : Image: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA; Data: ESA/Rosetta/Philae/ROMAP; Analysis: O’Rourke et al (2020).

un Atterrissage mouvementé

Le 12 novembre 2014, l’atterrissage de Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko ne s’est pas déroulé comme prévu. En raison d’une défaillance de ses harpons, l’atterrisseur européen a rebondi du site prévu, Agilkia, et s’est embarqué pour un vol de 2 h durant lequel il est entré en collision avec une falaise, a atterri sur un 2ème site avant de finir sa course en un 3e lieu, Abydos. Très peu illuminé, ce 3e site a été identifié le 2 septembre 2016 sur des images prises par la sonde Rosetta. Mais Philae avait laissé un dernier mystère à résoudre : trouver le 2e site d'atterrissage !

Représentation d’artiste de la sonde Rosetta et de l’atterrisseur Philae. Crédits : ESA-C. Carreau/ATG medialab.

Ce mystère a été levé grâce à la coopération et la persévérance de 27 chercheurs et ingénieurs internationaux décidés à « faire parler » les données d'instruments de Philae et Rosetta. Les informations du magnétomètre ROMAP de Philae, dont la perche de 48 cm a percuté à plusieurs reprises le terrain, se sont révélées cruciales pour identifier ce 2e site d’atterrissage – situé à seulement 30 m d’Abydos – et comprendre la chronologie de l’évènement qui a produit 4 contacts et duré 2 minutes.

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Empreinte finale de Philae sur le site n°2 dont la forme rappelle celle d’un crâne. Crédits : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA; O’Rourke et al (2020).

 

Abondance de la glace d'eau en sub-surface

« Lors du dernier contact, Philae s’est enfoncé de 25 cm dans le sol et a exposé la glace cachée sous sa surface. Une glace d’eau vieille de plusieurs milliards d’années née avec le système solaire ! » s'enthousiasme Sonia Fornasier, chercheuse au LESIA qui a participé à l’étude en analysant les images à haute-résolution de la caméra OSIRIS de Rosetta. Ce dernier contact a exposé de la matière 6 à 8 fois plus brillante que la poussière sombre qui couvre la comète sur une surface de 3,5 m2. Via des modèles, l'astrophysicienne et son équipe ont estimé que cette matière brillante était composée à 46 % de glace d'eau, une valeur parmi les plus élevées mesurées sur 67P. 

Malgré une surface sombre dominée par la poussière et la matière organique, la glace d’eau est très abondante juste en dessous.

Ce résultat est concordant avec nos précédentes études sur le site Aswan où l'effondrement d'une falaise avait révélé la sous-surface glacée de 67P et sur les variations de couleurs diurnes et saisonnières du noyau cométaire produites par la glace d'eau sous-surfacique. » 

Sonia Fornasier est enseignante-chercheuse au LESIA de l’Observatoire de Paris et à l’Université de Paris, membre de l’Institut universitaire de France. Crédits : LESIA.

une consistance très légère

Sur la base de la force appliquée sur la perche du magnétomètre ROMAP, la dureté de ce 2e site a été déterminé à une valeur inférieure à 12 Pascal et la porosité locale à 75 % en accord avec des précédents résultats issus de l’instrument CONSERT de Rosetta. Ces caractéristiques sont des informations importantes en vue de futures missions embarquant un atterrisseur, notamment pour la conception des mécanismes d’atterrissage et de procédés mécaniques nécessaires à la récolte d’échantillons sur une comète.

« L'intérieur de 67P est composée de vide à 75 %. Il y a beaucoup de minuscules trous, c'est comme de la neige fraichement tombée » commente Sonia Fornasier. Pour Laurence O’Rourke, chercheur au Centre européen d'astronomie spatiale de l’ESA qui a coordonné l’investigation publiée dans Nature, cette consistance peut aussi être comparée « à la mousse d’un capuccino ou à l’écume des vagues sur la plage ». La mission Rosetta/Philae n'en a pas fini de nous étonner. 

RéférenceS

O’Rourke, L. et al. (2020) The Philae lander reveals low-strength primitive ice inside cometary boulders. Nature 586, 697–701. DOI : 10.1038/s41586-020-2834-3

contacts

  • Sonia Fornasier, enseignante-chercheuse au LESIA de l’Observatoire de Paris  et à l’Université de Paris, membre de l’Institut universitaire de France, sonia.fornasier at observatoiredeparis.psl.eu
  • Francis Rocard, responsable de la thématique « Planètes et petits corps du système solaire » au CNES, francis.rocard at cnes.fr