24 Mars 2015

Questions sur la mission Rosetta

Pourquoi ces noms Rosetta et Philae (nom de l'atterrisseur) ?

La pierre de Rosette et l'obélisque de Philae ont servi de bases complémentaires au déchiffrement des hiéroglyphes par J.F. Champollion, en 1822.
L'orbiteur Rosetta et l'atterrisseur Philae serviront de bases à la compréhension des comètes, vestiges du système solaire.

Qu'espère-t-on comme résultats ?

Les conditions d'observation idéales du noyau (à faible distance, à faible vitesse et durant une longue durée), ainsi que les analyses faites au sol sur le matériau cométaire même, vont permettre de confirmer ou infirmer les modèles et théories actuellement en cours concernant la formation du système solaire, les comètes et leur lien éventuel avec l'apparition de la vie sur Terre.

Pourquoi cette mission est-elle importante pour l'Europe ?

La mission Giotto avait placé, en 1986, l'Europe au premier plan mondial en science cométaire. En réalisant deux premières mondiales (mise en orbite autour d'une comète et atterrissage sur son noyau), la mission Rosetta redonnera cette place à notre communauté scientifique.

Quel est l'importance de l'atterrisseur dans cette mission ?

L'atterrisseur va accéder à la "vérité terrain", c'est-à-dire aux composantes du sol avant qu'elles ne soient cassées par les radiations solaires après leur sublimation. Elles vont permettre de calibrer les instruments de l'Orbiteur. En ce sens, l'atterrisseur et l'orbiteur sont complémentaires.
Au total on peut considérer qu'environ 50% du retour scientifique sera acquis par l'atterrisseur.

Quels ont été les impacts du report de tir de Janvier 2003 à Février 2004 ?

Le report du tir a conduit à trouver une nouvelle comète cible satisfaisant les contraintes scientifiques mais aussi techniques. Après examen des diverses possibilités, la comète Churyumov Gerasimenko a été retenue.
Le profil de mission, pour atteindre cette nouvelle cible, a dû également être revu et c'est ainsi que la phase de croisière est maintenant de 10 ans et fait appel à 4 assistances gravitationnelles (3 fois la Terre, 1 fois Mars). La date d'arrivée a été repoussée de 2012 à 2014.
Enfin, la nouvelle comète étant plus volumineuse, donc probablement plus massive, nous avons été conduit à revoir la séquence de séparation, descente, atterrissage de l'atterrisseur ainsi qu'améliorer son système d'atterrissage pour le rendre plus stable.

Pourquoi la comète cible porte-t-elle ce nom ?

Churyumov Gerasimenko correspond aux noms des 2 astronomes Ukrainiens qui l'ont découverte en 1969. Elle est la 67ième comète périodique connue.

Pourquoi avoir choisi cette comète ?

Le choix de la comète cible est contraint par des exigences techniques provenant du satellite (distance mini et max vis-à-vis du soleil, carburant), du lanceur (conditions d'injection en orbite de libération et masse du satellite) mais aussi par l'intérêt scientifique. Dans l'échelle de temps considérée (tir en 2003/2005), seules 2 candidates étaient possibles : la comète Wirtanen, retenue initialement pour le tir en 2003 et la comète Churyumov Gerasimenko, pour un tir en 2004 ou 2005. La mission vers la comète Churyumov Gerasimenko a été finalement choisie car elle permet d'être lancée sur Ariane 5 et offre une seconde opportunité de tir en 2005.

Pourquoi le tir a-t-il lieu dans une période limitée ?

Les conditions de rendez-vous avec la comète et les planètes survolées pour les assistances gravitationnelles sont très précises. Il faut donc attendre un positionnement relatif idéal entre la Terre, Mars et la comète cible, ce qui définit le créneau de tir entre le 26/02 et le 17/03. De plus, il faut, dans ce créneau, attendre l'heure optimale en fonction du pas de tir considéré et de la rotation de la Terre.

Pourquoi le voyage est-il si long ?

Les techniques actuelles de propulsion ne permettent pas de prendre une trajectoire plus directe et donc plus courte. De ce fait, il est nécessaire d'utiliser les champs de gravité de la Terre et de Mars pour prendre l'élan nécessaire et modifier la trajectoire "naturellement". Cette stratégie impose de faire plusieurs orbites autour du soleil, ce qui allonge la mission.

Comment pouvez-vous assurer qu'après 10 ans le satellite sera encore actif et que la mission pourra être remplie ?

Des durées de mission de 10 ans sont maintenant très courantes (un satellite de télécommunications a couramment une durée de vie supérieure).
Pour augmenter la probabilité de bon fonctionnement du satellite, il est mis en mode d'hibernation lorsque ce sera possible, et testé en vol environ tous les 6 mois (vérifications de bon fonctionnement de la plateforme et de la charge utile). Chaque survol de planète et d'astéroïde a été l'occasion de réaliser des calibrations ou des opérations scientifiques. Au cours de la période 2011-2013 lorsque l'énergie à bord a été minimale, la sonde a été placée en mode hibernation. A la sortie de ce mode, une nouvelle phase de recette en vol a été effectuée, comprenant des mises à jour des logiciels de vol.
Enfin, pour conserver les informations requises pour les opérations, un plan spécifique de maintien de la connaissance a été mis en œuvre avec les équipes scientifique, d'ingénierie et d'opération.

Pourquoi cette mission est-elle difficile ?

Se poser sur une comète de 4 km de diamètre à ½ milliard de km de la Terre représente la même performance que se poser sur un endroit précis d'une pièce de 1 centime d'euro posée à Berlin alors que vous êtes à Paris.
Même cette dimension moyenne n'est pas connue. Atterrisseur et orbiteur ont été conçus sans connaître l'objet cible contrairement à tous les projets spatiaux jusque-là.

Quelles sont les difficultés techniques qu'il a fallu résoudre ?

Pour l'orbiteur, les 2 principales difficultés techniques proviennent des distances. Vis-à-vis du soleil (un peu moins d'un milliard de km) : des cellules solaires et des éléments de contrôle thermique spécifiques ont dû être développés pour cette mission. Vis-à-vis de la Terre : les communications sont très critiques, en débit comme en temps de propagation (plus de 30 minutes), et nécessitent donc un satellite très autonome.
Pour l'atterrisseur Philae, la difficulté majeure a été de concevoir un train d'atterrissage, des harpons, un mécanisme de séparation et un ensemble de sous-systèmes permettant d'assurer un atterrissage et un fonctionnement quel que soit les caractéristiques du noyau (en dureté, période de rotation, dégazage...).

Quelles différences avec l'atterrisseur Beagle 2 qui a connu un échec ?

L'atterrisseur Philae a été conçu, développé et testé sur une plus longue période que Beagle 2, avec un consortium différent.
D'autre part, la mission de l'atterrisseur Philae est plus sécurisée puisqu'il sera largué sur un site qui sera très bien caractérisé auparavant.
Enfin, sa précision d'atterrissage est de l'ordre de la centaine de mètres (centaine de kilomètres pour Beagle 2).

Que s'est-il passé après le tir ?

De nombreuses activités ont été réalisées jusqu'à l'arrivée à la comète : les premières ont consisté en 2004 dans la recette en vol de la plate-forme et les 12 instruments. La phase de croisière a suivi avec ses 4 survols de planètes. Traversant pour la première fois la ceinture principale d'astéroïdes, la sonde a survolé l'astéroïde Steins le 5 septembre 2008. La seconde traversée a permis le survol de l'astéroïde Lutetia le 10 juillet 2010. Du 8 juin 2011 au 20 janvier 2014 la sonde a hiberné (c'est-à-dire assuré un contrôle thermique seulement). En octobre 2012 Rosetta est passée à sa plus grande distance du soleil et depuis lors elle revient vers lui tout en rattrapant la comète. Rosetta est arrivée à proximité de la comète en août 2014.

Quelles sont les principales activités en 2014 ?

Une fois que la sonde a été freinée par une série de freinage en Mai et juin pour atteindre une vitesse relative d'à peu près 1 m/s, les instruments scientifiques de l'orbiteur sont utilisés pour déterminer les caractéristiques principales du noyau et de son dégazage.
En effet la connaissance de ces paramètres est indispensable pour assurer un atterrissage de Philae sans danger. La rotation, la masse, la forme, le relief, ..., doivent être connus aussi précisément que possible avant l'atterrissage qui est planifié le 11 novembre (à quelques jours près).
D'autres mesures scientifiques sont prévues mais ne sont pas considérées avec la même priorité.

Comment le site d'atterrissage est-il choisi ?

L'orbiteur approchant la comète avec beaucoup de précaution, le choix du site d'atterrissage se décompose en 3 phases. La première est la présélection de 5 zones possibles pour mi-août sur des critères tels que la possibilité de trouver des trajectoires de descente sans danger, un bon ensoleillement, une bonne visibilité avec l'orbiteur. Le 10 septembre, 2 sites parmi les 5 sont choisis, le premier est le site nominal, the second est le site de secours. Le 10 octobre, après avoir vérifié que des rochers ne mettraient pas en peril l'atterrissage, le choix final est fait. A partir de là, les orbites de l'orbiteur qui précèdent et suivent la séparation sont finalisées.

Quelle est la durée de vie de Philae sur la comète ?

Une fois que les piles sont déchargées, la survie de l'atterrisseur dépend de 2 paramètres, l'énergie et la température, qui sont étroitement dépendantes. Ils proviennent tous deux de l'ensoleillement de Philae. Juste après l'atterrissage à 3 AU (450 millions de km du soleil) l'énergie reçue est faible et conserver la température interne de l'atterrisseur n'est pas facile. Mais avec l'approche du soleil de l'atterrisseur posé sur la comète l'énergie devient excédentaire et sa température interne va dépasser les limites que peuvent supporter les composants électroniques. Philae mourra d'un excès de chaleur, nous considérons une durée de vie après atterrissage de 4 à 6 mois.